L’Etat doit pouvoir assumer pleinement ses responsabilités dans ce dossier du « kanal rivyè Masak » et s’engager à respecter les revendications légitimes pleines et entières des communautés.
Quand deux parties, au départ qui se méfient, doivent se rencontrer sur un dossier sensible, la préparation est très importante pour garantir au départ le calme, la disponibilité et l’assurance dans chaque camp. Dans le cas contraire, la méfiance et la charge émotionnelle de la situation vont s’ériger en un obstacle puissant, empêchant les parties de discuter dans la sérénité et de collaborer avec efficacité.
Finalement, l’Etat a décidé de manifester sa présence sur le terrain de jeu où se déroule cette bataille autour de la « construction du canal emblématique sur la rivière massacre, en territoire Haïtien, par les Haïtiens »[1] ; l’attente aura été longue, mais mieux vaut tard que jamais. A l’issue des échanges organisés le 26 décembre 2023, sur le dossier du canal massacre entre le comité local de gestion du canal et une délégation gouvernementale de plusieurs ministres dont ceux de l’Agriculture et de l’Environnement, l’envoi d’une commission technique avait été annoncé. Dès le samedi 28 décembre, ladite commission avait déjà été sur place pour rencontrer le comité du canal sur le site. Mais, selon ce qu’ont véhiculé les réseaux sociaux, cette rencontre précipitée s’est soldée par une fin de non-recevoir.
Stratégiquement, l’implication de
l’Etat dans ce dossier est fondamentale et ne peut déboucher que sur
des avantages collectifs positifs à moyen et long terme pour le
système en perspective. Nous avons bien souligné que les Ministères concernés
ont bien leur partition à jouer dans ce dossier[2].
Aucune entité ni organisation ne seront en mesure d’exercer les rôles régaliens
dévolus aux pouvoirs publics directement concernés par ce dossier dont
l’ampleur dépasse déjà le cadre national. La population locale et le comité de
gestion du canal ont un objectif précis ; le slogan KPK (Kanal la Pap
Kanpe) exprime à la fois leur conviction et leur engagement à ne pas se
laisser s’en détourer. La mobilisation communautaire est manifeste et la
solidarité nationale (voir internationale) est sans équivoque. Ce qui manque
c’est le point de suture difficile mais ô combien important, entre
l’Etat et la communauté.
Les acteurs pourront-ils profiter
du Momentum ? La commission technique parviendra-t-il à paver la voie pour
collaboration judicieuse et fructueuse dans ce projet emblématique ?
Faute de substance sur l’approche
préconisée par la délégation ministérielle et la commission technique, nous
nous contentons de soulever, en plus, ces autres points d’interrogation portant
sur l’échec de la rencontre du 28 octobre :
A quel moment, le comité local a-t-il été informé d’une telle rencontre? La formation et la composition de la commission technique ont-elles été communiquées ? A-t-il eu le temps de réaction minimum nécessaire pour préparer correctement le face à face ?
Les
deux (2) parties se sont-elles accordées sur les termes de référence ou un
document quelconque expliquant le contour et les objectifs de cette mission ?
Quels sont les sujets à aborder (technique, financier, logistique, gouvernance,
etc.) ?
La commission technique du MARNDR,
a-t-elle tenu compte des enjeux sur le terrain et a-t-elle structuré, en
conséquence, et de manière suffisante son intervention?
A notre avis le slogan “kanal la
pap kanpe” en dit long et charrie des revendications mêlées aux frustrations
populaires en raison de l’irresponsabilité séculaire de l’Etat. Néanmoins, toute
précipitation, incompréhension ou manque d’esprit d’ouverture peuvent déboucher,
à un moment donné, à un état de gel de la situation ou pire encore à une source de difficultés
techniques plus complexes et de conflits sociaux et d’intérêts non-encore
évidents. Cet élan de solidarité devra interpeller tous les acteurs et
canaliser toutes les énergies vers la concrétisation de ce projet, passant de
« Kanal rivyè Masak la» à un nouveau modèle-système agricole irrigué
centré sur l’intelligence stratégique et technique, la mobilisation adéquate
des moyens, la bonne gouvernance, l’efficacité économique.
Enfin, pour rectifier le tir, ou
toutefois en cas de programmation de nouveaux rounds, les interlocuteurs, pour
le moins, doivent être connus par les parties ; les réponses aux questions
soulevées ci-dessus sont nécessaires.
©Nolex
F., Octobre 2023.
[1] Les agriculteurs dans la plaine de Maribaroux décidèrent de reprendre
les travaux de construction d’un canal et d’une prise au niveau de la rivière
massacre à la fin du mois d’août 2023, un projet piloté puis abandonné par le
Gouvernement Haïtien depuis près de 4 ans.
[2] [réf.
https://nfontil.blogspot.com/2023/09/propozisyon-pou-kriz-kannal-masak-la-ta.html]
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