Photos Eric A. |
Tout semble contre l’agriculture et les agriculteurs haïtiens.
Un discours démotivant ; l’agriculture est présentée comme un secteur à
risque. Des politiques d’entraves et une gouvernance absente; les productions
locales font face à une concurrence défavorable et déloyale sur leur propre
marché « quasi-libre ». A noter que les aliments importés par Haïti se chiffrent à 800 millions $US environ par année, environ 21% des
importations totales du pays. Pourtant, sans technologie appropriée, avec des moyens
techniques et financiers rudimentaires, les productions agricoles locales assurent
la satisfaction, entre 40 et 45 %, des besoins alimentaires des haïtiens. Le
potentiel agricole haïtien est un acquis et un atout en attente d’exploitation,
mais par celles et ceux qui peuvent le reconnaitre [voir l’article Pour
un réveil agricole en Haiti en créole haïtien].
L’instabilité politique et les multiples crises internes, de 2020 à date, surtout avec le fameux « lòk », nouvelle stratégie de lutte politique, utilisée aussi lors des revendications sociales, l’épidémie
du coronavirus (2020), le conflit russo-ukrainien (2022), etc. contribuent
à révéler, même aux plus incrédules, la vraie place et le rôle de l’agriculture
dans la stabilité sociale et la sécurité nationale. Cette situation vient
renforcer ce que nous ne cesserons de crier haut et fort, et à qui veut l’entendre,
à savoir : notre agriculture est un élément déterminant pour notre stabilité
sociale et la souveraineté de notre pays. Remarquons que l’Ukraine bien qu’en étant
en guerre conserve toute sa capacité à nourrir sa population alors qu’une bonne
partie du monde en souffre. Autre malheureux constat, la dépendance alimentaire
d’Haiti vis-à vis de la République Dominicaine crée un déséquilibre dans les tous
les autres types de relation entre les deux pays.
Aujourd’hui, avec une évidence limpide, les enjeux
alimentaires et nutritionnels, ceux de la paix et la stabilité, de l’environnement
et plus généralement l’enjeux de l’atteinte des Objectifs de Développement Durable
(ODD), dans l’espace et contexte haïtien, replacent également l’agriculture au
nombre des issus incontournables menant au développement durable.
Aussi, tous les acteurs confondus, du paysan au grand et
influent investisseur, les pouvoirs publics, doivent, enfin, prendre conscience
de la nécessité d’une vision partagée d’un développement agricole endogène et miser
sur une feuille de route agricole ambitieuse abordant les vrais défis : la
sécurité, le marché, l’innovation, le financement et la préservation de l’environnement.
Pour cela, il faut donc un plaidoyer catalyseur afin de mobiliser les décideurs
et aussi tous les concernés ou intéressés (acteurs du changement) par le
développement agricole. Il n’est pas sans importance de souligner, surtout dans
le contexte d’Haiti, que les politiques de moyens (ressources) doivent céder la
place à de véritables politiques sectorielle et sous-sectorielle centrées sur
des résultats.
© Nolex FONTIL, Nov. 2021